mardi, avril 10, 2007

« Yukon trip »
Juillet- Août 2006
ou
700 km sur les traces de la Gold Rush (1896-1898) :


Objectif :
Parcourir les 650 km du fleuve Yukon reliant Whitehorse à Dawson sans se faire manger par les ours ni chavirer dans les ‘’Five figers rapids’’.

Nos moyens :
Un canoë biplaces, une hache, une scie, une tente, 2-3 affaires de rechange et de la nourriture pour tenir les 20 jours nécessaires à ce périple. Sans oublier nos deux Bear Sprays, la bombe anti-agression format grizzly.

La nourriture justement, parlons-en. Après de savants calculs, nous en avons emmené pas moins de 70 kg. A savoir : 15 kg de farine, 10 kg de pommes de terres, 10 kg de pommes, 5 kg de patates douces, 4 kg de confiture, 4 kg de pâtes, 3 kg de riz, 2 kg de polenta, 2 kg de sucre, 1.5 kg de Cheddar, 3 litres d’huile, thé, café, cookies et autres friandises, levure de boulanger,… sans oublier la sauce barbecue. Mais pas de produits carnés. Nous comptons sur nos talents de pêcheurs pour nous les fournir.

Avant notre départ nous avons également confectionné une voile pour nous aider durant la traversée du Lac Laberge (55 km de long). Élaborée à l’ancienne, nous avons tout d’abord coupé deux beaux sapins bien droits et d’une taille d’environ 4 m ; dans lesquels nous avons réalisé le mat et la baume. Pour faire l’articulation de la baume, nous avons chauffé dans un feu de camp un fer plat (40 x 1 x 0,5 cm) puis forgé autour d’une souche pour enclume. Nous avons sué mais quel bonheur de voir l’acier rougi se tordre sous les coups de marteau.

Au total, plus de 150 kg de matériel plus nous deux qui en faisons presque autant.

Et nous voilà partis pour un périple où nos seules rencontres possibles hormis quelques fous comme nous ne seront que orignaux, ours, et autres castors.


J-1, Vendredi 28 juillet :
Ce soir, l’excitation est à son comble. Demain, voilà enfin le départ de notre première ‘’expédition’’ dans le Grand Nord.
Fin de la préparation des affaires, emballage de la nourriture en doses individuelles et en sachets soudés (merci Icy Waters). N’ayant pas pu aller chercher les bidons étanches chez le loueur de canoës aujourd’hui, nous remplissons des cartons de nos victuailles. Et là une crainte apparaît ! Le bateau sera-t-il assez grand pour tout mettre ?
De plus Mike qui doit nous emmener à Whitehorse demain matin n’est toujours pas rentré de son périple au parc national de Kluane.

1er jour, Samedi 29 juillet :
Le réveil sonne à 5 h 30. Que c’est tôt, mais Mike qui est rentré vers 3 h du matin doit être de retour à 8 h car il travaille. Il est donc obligé de nous déposer à 7 h.
Le pic-up plein à raz bord arrive devant Canoë People, le loueur de canoës. Mike nous souhaite un bon voyage et s’en retourne.
Commence alors une heure et demi d’attente à refaire dans notre tête encore et encore la liste des choses essentielles que nous aurions pu oublier. A neuf heures, soulagement ; la location de canoës ouvre. Nous confions nos affaires au loueur puis partons à la recherche des oublis (tisanes, cuillères supplémentaires pour la pêche,…). De retour un peu plus tard, nous commençons à remplir nos bidons étanches de nourriture sous le regard ébahie des quelques passants et Indiens qui cuvent encore leur alcool.
Oh tabernacle !!! (Comme dirait nos amis québécois). Toute la nourriture ne rentre pas. Mais après un rempaquetage et élimination des emballages superflus nous pouvons enfin fermer les deux bidons de 80 l et un sac étanche de110 l.

Après les dernières recommandations du loueur et la photo au départ nous voilà partis.

Adieu Whitehorse. Adieu civilisation. Nous reverrons vous un jour ?

Au départ, le courant est puissant mais régulier et déjà au bout de quelques instants, nous regardons avec nostalgie s’en aller les dernières habitations.
Devant nous, l’inconnu, le Wilderness.

Un vent de plus en plus régulier souffle dans le sens de la rivière ; nous décidons donc de baptiser tout de suite notre voile. Nous nous arrêtons dans un endroit propice et après quelques minutes de menuiserie pour ajuster le mât au bateau et le fixer, nous reprenons les flots. Quelques canoéistes attirés par l’attraction se sont arrêtés et nous observent.
Les débuts sont catastrophiques ! Impossible de prendre vent arrière, tantôt nous tirons des bords perpendiculairement à la berge tantôt nous remontons le courant. Mais à voir la vitesse à laquelle nous progressons au près, je pense que le système a du potentiel. Reste maintenant à savoir en profiter.
Hilarité générale à chaque fois que nous tapons la berge opposée ; mais regard jaloux lorsque après un petit quart d’heure d’entraînement nous dépassons tout le monde sans ramer.
Il peut être fier notre canoë avec sa voile et son drapeau français.

L’après midi alors que souffle un bon petit vent, je me laisse même bercé par le doux roulis et le soleil puis tombe dans les bras de Morphée.

Vers 16 h, nous accostons une petite île à l’entrée du lac Laberge. L’endroit et beau, a priori pas d’ours, du bois pour le feu et une place plate pour la tente. Le rêve… Presque. En déchargeant le canoë, une pagaie tombe à l’eau. Elle est instantanément emportée par le courant. Vite tout remettre dans l’embarcation puis essayer de la rattraper. Mais le courant nous a déjà bien éloigné de notre île. Que faire ? Chercher un autre camp pour dormir ou tenter de remonter le courant ? Nous optons pour la seconde solution. Regagner la berge au plus vite pour s’aider des amortis de courant qui nous facilitent la tâche. Mais après les 40 km déjà parcourus aujourd’hui nous fatiguons vite. C’est éreintés que nous atteignons enfin la pointe de notre île. A partir de là, nous cordelons le canoë. Pas plus reposant mais faisant travailler d’autres muscles.
Nous déchargeons prudemment cette foi, puis reprenons nos forces devant un chocolat chaud et quelques cookies.

Après un petit instant de flemme à scruter l’horizon dans l’espoir de voir sur l’une des berges opposées un quelconque animal, nous installons le camp et partons à la pêche. Mais au bout d’une heure il faut se rendre à l’évidence, soit nous sommes mauvais soit les poissons n’habitent pas la région. Ce soir, repas végétarien.

Cependant, afin de nous remonter le moral nous attaquons la fabrication et la cuisson de notre premier pain de trappeur.
La cuisson est particulièrement cocasse. En effet, nous piquons une boule de pâte levée de la taille d’une pomme sur une baguette de saule finissant par une fourche à 3 branches puis la faisons cuire au-dessus du feu pendant près d’une demi-heure en n’arrêtant pas de tourner.
Ayant 6 pains à cuire, ce travail nous prend plus de 2 heures ; mais quel bonheur ensuite de sentir sous ses dents le bon goût du pain frais.

Au menu de ce soir, pommes de terre en papillotes avec sauce barbecue pour relever un peu. Ce n'est pas un repas extraordinaire, mais il nourrit bien.

Bossage de dents puis direction le fond du duvet pour récupérer de notre première journée. De plus, demain nous allons nous mesurer à notre première difficulté : le lac Laberge. Ce ‘’petit’’ lac de 55 km de long pour 5 à 7 de large a la fâcheuse tendance à former très rapidement de la houle avec quelquefois des creux de plus de deux mètres. Si le vent est bon et pas trop fort, nous pensons pouvoir dépasser la moitié voire les 2/3 du lac.
Nous nous endormons ce soir, la tête plein de paysage en rêvant de ce même lieu mais au temps de Jack LONDON.


2ème jour, Dimanche 30 juillet :
Après une nuit animée par une énorme colonie de goélands, nous sortons du lit vers 7 h. Au petit déjeuner, nouilles et tartines comme nous l’avions prévu. Adrien a du mal à avaler les pâtes à la sauce barbecue le matin et se rabat sur les tartines à la confiture de sascatoon berry.
Pendant que nous préparons nos affaires, un canoë nous dépasse. L’homme qui le mène a un coup de pagaie d’une précision remarquable, ce qui lui permet d’aller en parfaite ligne droite. Nous observons attentivement ses mouvements, car la veille nous passions autant de temps et d’énergie pour remettre le bateau dans la bonne direction que pour avancer.
Vers 8h30, nous partons affronter le lac. Nous doublons rapidement notre moniteur de canoë et continuons sur cette immensité d’eau.
A ce moment, de l’autre coté du lac nous apercevons difficilement les montagnes qui ferment le lac où se situent la sortie du Yukon.
Nous ramons ainsi d’un bon rythme, quand Adrien décide de mettre une ligne de traîne afin de tenter ces énormes brochets ou truites de lac légendaires. Après quelques kilomètres, la canne plie et manque de tomber à l’eau. Je pense que la cuillère s’est accrochée à une branche ou un rocher. Mais les fortes secousses qui la courbent fortement prouve qu’un gros poisson se débat dans les profondeurs. Après un bon quart d’heure de lutte et d’émotions une magnifique ‘’lake troute’’ ou cristivomer entre dans l’épuisette. Le poisson mesure entre 60 et 65 cm pour un poids de plus de 2 kg. Nous décidons de le garder pour agrémenter le repas du soir.

Nous sommes aux anges ; car Adrien vient de réaliser un rêve qui en plus nous nourrira le soir venu. Un festin en perspective. Nous continuons de traîner, mais sans résultat jusqu’au début de l’après midi car le vent se lève.
Il commence à souffler de manière de plus en plus continue si bien que nous décidons de nous arrêter pour une pause casse-croûte (2-3 cookies) et sortir la voile. Nous avons alors parcouru entre un quart et un tiers du lac.

Avec ce vent, le paysage défile rapidement. Nous mangeons les kilomètres. Le vent forcit de plus en plus et malgré les vagues qui grossissent nous avançons rapidement. En 1h30 nous venons de parcourir la même distance qu’en plus de 4h de rame.
C’est alors que nous lançons un défit : si le vent tient, ce soir nous dormirons de l’autre coté du lac.
Les kilomètres défilent …quand soudain Adrien s’écrie : « là, à droite, un ours, un Black bear !!! ». S’est alors, que pour la première fois depuis notre arrivée au Canada nous voyons l’animal qui nous a fait tant rêver, mais également que nous craignons terriblement. L’animal est magnifique, son pelage noir luit au soleil et se détache nettement sur le bleu de l’eau où il est en train de boire. Nous affalons la voile et passons quelques petites minutes à l’observer et à le photographier. Une fois réhydraté, il mange des baies qui poussent le long du lac. Nous le perdons ensuite de vue car le vent et les courants nous ont fait dériver.

En début de soirée, alors que nous sommes aux portes du lac, nous nous apprêtons à accoster sur un magnifique lieu de camp quand soudain un bruit dans les fourrés nous fait sursauter. Devant nous, à une centaine de mètres, au milieu du lieu de camps, un énorme ours noir se tient et nous observe. Changement de programme ! C’est le troisième ours que nous voyons de la journée ; et l’envie de dormir sous la tente s’estompe rapidement.
Adrien trouve sur la carte une cabane de trappeur au bord du fleuve juste après sa sortie du lac. Il faut une bonne demi-heure de navigation supplémentaire pour y accéder mais nous ne voulons pas finir en fast-food.
En accostant devant la cabane, nous manquons d’empaler le canoë sur des pieux en ferraille rouillée qui datent du début du siècle.
Quand nous arrivons enfin dans la cabane, nous sommes épuisés par plus de 12 h sur l’eau mais contents d’avoir vaincu le lac en une journée.
Le déchargement du canoë est plus difficile que jamais. Heureusement, nous dénichons autour de la cabane une brouette qui nous est bien utile. Etant donné son état et sont poids nous pensons qu’elle est probablement centenaire.
Mais il faut encore aller chercher du bois et le fendre avant de pouvoir enfin s’asseoir pendant que le repas mijote. Ce soir : cristivomer et riz avec une pomme au dessert.
A cause des fortes vagues que nous avons subies tout l’après midi cumulé à la fatigue, nous sommes atteints d’une sorte de mal de terre. Dès que nous nous arrêtons de nous activer pour lire ou observer un point lointain tout semble bouger autour de nous.
Nous nous endormons ensuite dans cette cabane en désordre, pleine de souris mais à l’abri des ours.
Au-dessus du lit d’Adrien est pendu au mur un vieux poster décoloré par les années, le soleil et les intempéries représentant un couple de paysans dans leur champ pendant que sonne l’angélus. Le même, que le canevas qui est pendu dans le salon de mamie Bert (ma grand-mère paternelle).


3ème jour, Lundi 31 juillet :
Au milieu de la nuit, je me réveille et sens comme une piqûre de moustique dans mon cou. Reflexe, je me donne une claque afin de l’éliminer. Mais là surprise, ma main rencontre une petite boule de poil qui remue. Cependant, malgré le fait d’être endormi, je me rends compte immédiatement qu’il s’agit d’une souris. Mon bras a donc continué son ample mouvement en projetant l’intrus à travers la pièce. Un peu plus tard, c’est au tour d’Adrien d’être réveillé par une souris qui se promène sur sa jambe.

Ce matin, premier essai de cuisson de banique à la poêle. Il s’agit d’un mélange de farine, d’huile, de levure chimique ainsi que de tout autre composant pouvant donner du goût (raisin sec, pépite de chocolat, sucre, fruits secs ou frais,…). Aujourd’hui s’est cranberry / amandes. Bien que légèrement brûlé sur le dessus, elles se révèlent délicieuses et bien nourrissantes.

Avant de partir, nous visitons les ruines d’un ancien poste de télégraphe datant de la gold rush.

A peine embarqués, nous découvrons sur la berge opposé un magnifique ours noir de belle taille.
La journée s’écoule paisiblement et nous rencontrons encore deux autres plantigrades. L’un d’eux que nous prenons tout d’abord pour un petit grizzly est magnifique. Il est brun foncé, presque noir mais avec une magnifique crinière beige. Nous le photographions.

Nous arrivons aux alentours de 17h30 sur le lieu de notre bivouaque, un ancien village nommé Hootalinka qui est situé au confluent de la Teslin river. A cet endroit le fleuve double de taille et devient magnifique.
Ne voulant pas côtoyer les ours de trop prés, nous dénichons une ancienne cabane parfaitement en état et munie d’un gros fourneau. Elle est magique ! De petite taille 3 x 3 m, à moitié enterrée, et décoré avec des outils d’autrefois. De plus, les magnifiques bois d’élan qui règnent sur le toit lui donnent vraiment l’air de la cabane de Jack LONDON.

Deux Allemands accostent à leur tour, mais après avoir cherché un endroit où passer la nuit repartent. Nous pensons qu’ils cherchent également une cabane, mais nous occupons la seule habitable sur ce lieu.

Après avoir coupé notre demi stère de bois comme tous les soirs, nous allumons un bon feu afin de réchauffer l’atmosphère. Une douce chaleur gagne peu à peu l’habitation mais au bout de quelque temps l’on avoisine les 60 °C. Il est même impossible de se saisir d’un objet métallique. Nous laissons donc la porte grande ouverte, pour le plus grand plaisir des moustiques.
Ce soir nous cueillons également des goos berry ; sorte de petites groseilles à maquereau qui foisonnent ici.
Maintenant que le dessert est prévu, nous attaquons la pêche bien décidés à ne pas devenir herbivores. Au premier coup de cuillère (Adrien n’a pas encore accédé à la rivière), je sors un magnifique ombre arctique de 35 cm. Trois lancés plus tard c’est au tour d’un deuxième de suivre le même sort. Pendant qu’Adrien monte son leurre, je les vide. Il en attrape un troisième que nous relâchons.
En ouvrant le bidon où sont stockés les yams (patate douce) et pommes de terre, je constate que certaines commencent à moisir. Après une rapide observation, nous constatons la présence d’un demi-centimètre d’eau au fond, venant de la condensation. Il faudra que l’on surveille de près nos vivres pour éviter de trop en perdre.
Après le repas (poisson et yams), je retourne à la pêche tendit qu’Adrien va se coucher. Et là le score est phénoménal. En effet, ce n’est pas moins de dix poissons qui se laisseront attraper en moins de trente minutes.
Avant de me coucher, j’enfourne le pain dans le poêle pour qu’il cuise tranquillement tandis que le feu s’éteindra.


4ème jour, Mardi 1 août :
Bien que pâle à l’extérieur, le pain cuit la veille se révèle, très bon.
Au moment de charger le canoë, nous apercevons sur la berge opposée deux ‘‘deer’’. C’est une sorte de chevreuil local mais de la taille d’un cerf. Mais l’appareil photo est loin et le temps de le chercher, ils ont déjà disparu.

Aujourd’hui, direction l’embouchure de la Big-Salmon river où se trouve un ancien village portant le même nom. Sur la carte, il est précisé qu’une belle cabane s’y trouve.
Nous partons donc sur le coup des 10 h bien décidés à arriver les premiers afin de profiter de l’abri. Mais les éléments ne sont pas avec nous, le courant ralenti fortement et le vent souffle assez fort dans le sens contraire au courant. Résultat, pour la première fois nous devons ramer toute la journée. De plus, la journée a été monotone, la forêt dense des deux cotés bouche la vue et pas un seul animal ni même une trace ne s’est présenté.
A mi-parcours nous traînons à nouveau une cuillère mais sans résultat.
Nous arrivons vers seize heures, après une étape de plus de 55 km et à notre grande stupéfaction, de nombreux canoës sont amarrés devant l’ancien village. Tant pis pour notre cabane, mais nous allons pouvoir discuter avec les autres.

Après avoir fait le tour du village dans l’espoir où la cabane serait libre, nous nous rendons compte que notre belle maisonnette se situe 200 mètres en amont du village et sur l’autre rive. Nous sommes déçus car après le confluent, le courant s’accélère fortement et il nous est impossible de le remonter.

Un premier groupe de quatre Allemands de Ülm, d’une cinquantaine d’année, semblable à de vrais trappeurs, est parti d’un lac en amont de la Big-Salmon river (Quiet Lake). Ils sont vêtus avec des habits semblables à ceux de l’époque (les salopettes se déboutonnent au niveau de fesses afin de satisfaire les besoins naturels).
Contrairement à nous, ils n’ont pas vu d’ours mais une multitude de moose et de deer. Ce soir là, l’un d'eux attrape un poisson bizarre. Une sorte de fera avec une grande bouche et de belle taille. S’en suit ensuite un débat animé sur le nom du poisson. Eux n’ont aucune idée, mais Adrien et moi-même penchons plutôt pour un ‘’Inconnu’’. Il s’agit du nom du poisson, mais allez donc expliquer en anglais à des Allemands qui parlent un tout petit peu de français que le nom de leur poisson est un ‘’Inconnu’’ et non inconnu. Bref, on en perd notre latin.

Le deuxième groupe vient de Francfort, (nous en avons vu deux hier). Eux sont partis sur la Teslin River. Ils ont également vu une multitude d’animaux mais pas d’ours non plus. En revanche, ils semblent effrayés en entendant que nous en avons vus autant (six en quatre jours).

A notre tour d’aller à la pêche, traquer ces espèces originales. J’attrape assez vite un ombre, mais le deuxième ne veut pas venir. Cependant, nous apercevons les premiers saumons qui sautent ; signe du début de la remontée. Nous pêchons donc le saumon avec un résultat assez spectaculaire. En effet, devant mes pieds au bord de l’eau se trouve un magnifique saumon en boite que je ramasse. C’est sûrement la seul et unique fois de ma vie qu’en allant à la pêche il suffit de se baisser pour ramasser un poisson déjà préparé et cuit. Je regarde la date de fabrication et de péremption et découvre avec stupeur que ce poisson a été emballé il y a moins d’une semaine.
Le repas est assuré. De plus, je prépare une belle pâte à pain dans laquelle j’ajoute les goos berry de la veille, des amandes, des pommes en cube et de la cannelle. Pendant qu’elle lève, reste à trouver le moyen de faire un four. Avec le bric à brac qui nous entoure nous devrions bien trouver quelque chose. Quelques tas de ferraille plus loin je trouve un magnifique petit tonneau, une sorte de grosse boîte de conserve cubique mais sans couvercle ni fond. Je la bouche à l’aide de grosses bûches puis enfourne le gâteau. Au début la cuisson est délicate car il faut entretenir un feu suffisant pour avoir une température correcte tout en évitant qu’il brûle.

C’est devant un magnifique coucher de soleil, que nous mangeons un mélange de patates douces et normales ainsi que de poissons en papillotes. Le saumon bien que pas mauvais, a un goût de poisson en boite.

En allant nous coucher, le ciel se couvre et un vent annonciateur de pluie se lève. Nous n’espérons qu’une chose : c’est qu’il pleuve la nuit mais que demain le temps soit clément durant la journée.
Comme les villages de Lower Laberge et Hootalinka que nous avons passés les jours précédents, celui de Big-Salmon est magnifique. Cependant, nous trouvons regrettable que le gouvernement du YUKON les laisse ainsi à l’abandon. En effet, c’est toute l’histoire de cette région que retracent les différents villages et installations au bord du fleuve Yukon sur la route du Klondike.
Sans la Gold Rush comment serait actuellement cette partie du Canada ? Alors pourquoi essayer de chasser au plus vite ses derniers restes d’histoire ?
Car sans la moindre restauration (comme c’est le cas actuellement) dans moins de cinquante ans il ne restera plus rien de toutes ces cabanes et autres édifices.

5ème jour, Mercredi 2 août :
Ce matin au lever il pleut ; on se rendort donc en espérant que cela s’arrête rapidement. On dirait que le climat nous a écouté, car une demi-heure plus tard le soleil a déjà tout séché. C’est comme un avertissement de la nature : « vous là bas les Franchies, vous n’avez eu pour le moment que soleil et chaude température ; mais attention car dans ce pays où règne plus de huit mois d’hiver il sait également pleuvoir, venter et geler ».

Durant toute la nuit, un écureuil n’a pas arrêté de courir autour de la tente, creuser et crier. Nous avons certainement empiété sur son territoire et celui-ci ne s’est pas laissé faire. Heureusement, nos affaires bien à l’abri dans nos sacs étanches n’ont pas subi les attaques de ce petit diable.
En revanche, moins bonne nouvelle, autour du feu que nous avons laissé mourir durant la nuit une bande de terre de dix à trente cm de large sur un cercle de 1,5 m de diamètre se consume lentement. C’est la deuxième fois que cela nous arrive, et il va falloir être vigilant car nous ne désirons pas mettre le feu. La terre est un mélange de tourbe et de sable, le tout très sec car ici les précipitations sont comparables à celle du Caire en Egypte.
Nous inondons alors fortement la zone, afin d’éteindre ce feu.

Nous avons du mal à partir, s’est seulement après onze heures que nous quittons le village. Le fleuve change aussitôt. Il s’élargit considérablement, les quelques petits rapides encore présents disparaissent, et c’est juste un flux d’eau important avec un débit monstrueux qui doucement nous emporte vers Dawson.

Depuis hier soir, les saumons ont fait leurs apparitions. D’abord sous forme de gros sauts, puis de repas et enfin aujourd’hui un peu partout le long du Yukon des villages de pêche d’Indiens se suivent. Ces villages ne sont occupés que l’été durant la remonté des saumons. Les Indiens pêchent les saumons au filet puis les détailent en lanières afin de les faire sécher et fumer. En revanche, contrairement au pays nordique européen, le poisson n’est pas salé au préalable.

Ce matin, peu après notre départ nous apercevons un ours noir qui semble marcher à flanc de colline.

Autour de nous ce n’est que désolation. En effet, un incendie de forêt a ravagé les lieux en 1995, il ne reste plus que le tronc et les grosses branches des arbres. Mais doucement la nature revient, pour le moment ce ne sont que des fires weeds et autres ronces mais bientôt une nouvelle forêt va repousser et avec elle tout un écosystème. Ce sera tout d’abord le paradis pour les animaux brouteurs ou se nourrissant de baies. Ils vont se multiplier donc accroître le nombre de prédateur. Les espèces vont se stabiliser lorsque la forêt aura atteint son régime de croisière puis décliner avec le vieillissement de celle ci. Dans ces zones où l’homme n’exploite que très peu la forêt, les incendies sont indispensables. Ils permettent donc de nettoyer les sous bois et régénérer une forêt devenue trop vieille donc improductive.

Nous remarquons d’ailleurs beaucoup plus de traces d’animaux que la veille ou une vieille forêt dense régnait. Un ours s’est même laisser apercevoir tandis qu’il broutait à flanc de colline.

Ce soir nous campons à proximité du village de Little-Salmon. L’été le village sert de camp de pêche aux Indiens et durant la journée nous avons d’ailleurs pu observer quelques filets. En arrivant sur le lieu de camp, nous apercevons un lapin. Nous avons essayé de l’attraper au lance pierre mais sans résultat. De plus, la pêche n’est pas bonne. Nous ne mangerons donc pas de viande ce soir. En revanche, en plus du pain, j’ai fait une tarte aux pommes qui s’est laissée dévorer et un rien de temps. Même avec une vie de trappeur nous apprécions toujours les bonnes choses.
La difficulté de la cuisine au feu de bois dans ces régions réside dans la température de cuisson. Avec un feu trop fort, les aliments brûlent et pas assez fort ils ne cuisent pas. L’idéal étant de cuire sur des braises. Mais avec uniquement du résineux pas de braises donc cuisine sur les flammes et en plus cela salit les casseroles.
Une fois la vaisselle faite et le campement en ordre je retourne à la pêche bien décidé d’en découdre avec les poissons du coin. Et à force de changer de technique et d’insister, je finis par attraper un ombre avec une petite cuillère ondulante. Je le garde pour le petit déjeuner de demain matin.
Ce soir nous mettons deux belles bûches sur le feu en espérant qu’il en restera un peu demain matin et pour tenir les ours à distance. En effet, la forêt et relativement touffue autour du lieu de camp.
En nous endormant, nous sommes bercés par le cri lugubre et mélodieux d’une meute de loups qui répondait au chien du village.

6ème jour, Jeudi 3 août :
Lever vers 7h45. Bien qu’il ait plu durant la nuit, il reste encore du feu. Au petit déjeuner ombre en papillote et porridge aux patates douces, pommes, raisin sec et cannelle. C’est bon et je pense même être calé jusqu'à ce soir. Adrien lui préfère les traditionnelles tartines de confiture que mes expériences salées.
Nous levons le camp vers 10 h 30, et partons alors que le temps se dégage. Les lumières sont magnifiques, nous traînons donc, observons et prenons quelques clichés.
Nous croisons encore de nombreux camps de pêche et de filets. La remontée du saumon doit battre son plein. En effet, les séchoirs sont pleins à craquer et nous voyons de nombreux sauts de poissons.

En début d’après midi, nous faisons une halte sur un bon poste à ombre afin de capturer notre repas du soir. Les poissons sont présents, mais très difficiles à pêcher car la profondeur n’excède pas 20 cm.
En revanche, l’île est couverte d’excréments d’oiseaux de belle taille. Seraient-ce des oies ? Nous repartons en traînant une petite cuillère avec laquelle nous attrapons un ombre.

Ce soir, nous arrivons au camping de Carmack. Cette petite ville porte le nom de la personne qui a découvert les premières traces d’or dans le fleuve. Mais pour nous, Carmack est surtout synonyme de retour temporaire à la civilisation, d’une bonne douche ainsi qu’une journée de repos.
Pendant que nous déballons nos affaires, notre regard est attiré par trois points noirs qui dévalent le courant dans notre direction. A notre grande surprise, une mère et deux petits ours noirs sont en train de traverser le cours d’eau pour nous rejoindre. Ne désirant pas leur compagnie, nous nous montrons et la petite famille fait demi-tour. J’en profite néanmoins pour prendre quelques clichés. Ils sont magnifiques à regarder. Un des oursons qui fatiguait est monté sur le dos de la mère, où il est resté jusqu’à la berge.

Maintenant, direction les douches du camping où moyennant trois dollars vous bénéficiez de 6,5 minutes d’eau chaude. C’est trop court pour se laver correctement après six jours de micro-toilette dans les eaux glaciales du fleuve, mais tellement agréable. Après, c’est au tour des vêtements de passer à la machine. Là encore, nous assistons à un magnifique changement de couleur et d’odeur.
Du style trappeur moyen ( vêtement gras, noir de suie, sentant la fumée…), nous remettons un pied dans la civilisation pour une journée.

Après la cuisson du pain, des baniques au raisins secs et pépites de chocolat ainsi que repas du soir, Adrien attrape un magnifique inconnu de près de 55 cm en nettoyant la vaisselle. Le poisson mangeait les particules emportées par le courant en créant d’énormes gobages. Un coup de cuillère plus tard et le voici sur la berge après une belle bataille. Le repas de demain midi est assuré.



7ème jour, Vendredi 4 août :
Ce matin nous flemmons au lit jusqu’à dix heures malgré l’inconfort des racines et autres cailloux que nous avons planté entre les omoplates.
Mais il est agréable de savoir qu’aujourd’hui ne sera que récupération et détente. Après un petit déjeuner conséquent, nous partons à la pêche en dessous du camping. Aujourd’hui, pêche pour le plaisir pas par nécessité. Adrien commence donc à la mouche et attrape une multitude de petits ombres de 20 à 25 cm qu’il remet à l’eau. Espérant de plus gros poissons, je pêche à la cuillère mais avec peu de résultat.

Après le repas, nous discutons autour du feu d’éventuelles possibilités d’élevage de l’inconnu. En effet, ce poisson s’est révélé excellent avec une chair proche de celle de la féra.
L’après midi s’écoule paisiblement entre sieste et séance de pêche afin de fournir le repas du soir.
Nous procédons ensuite au check up complet du bateau puis au démontage de la voile car demain est un grand jour. Nous affrontons notre adversaire qui nous a tant fait trembler, les célèbres ‘’five fingers rapids’’ ( le rapide des cinq doigts). En effet, comme son nom l’indique, le rapide est formé par cinq gros rochers plantés au milieu de la rivière, semblable à une main.
Durant la ruée ver l’or, ce terrifiant rapide également nommé ‘’porte de la mort’’ a été à l’origine d’un nombre effroyables de naufrages. Maintenant encore, pour beaucoup de Canadiens, ce lieu est infranchissable pour des embarcations légères comme la nôtre.
Le loueur de canoë nous a dit qu’en restant bien sur la droite du rapide sa traversée ne représente pas de problèmes particuliers. Mais ce lieu chargé d’histoire nous fait frémir à la fois de crainte mais également de fierté.
Après, ce ne sera que wilderness jusqu’à la ville de Dawson dans 10 jours.

Ce soir, nous nous endormons la tête pleine de rêves et de cauchemars en pensant aux ‘’Five Fingers Rapids’’.

8ème jour, Samedi 5 août :
Au lever le temps menace à la pluie, il fait froid (5-6°C) et au fur et à mesure que le temps passe, cela ne s’arrange pas.
Nous arrivons tant bien que mal à partir sur le coup des dix heures et demi, mais avec un moral à l’image du temps.
La vision d’un renard et d’un ours dans les premières centaines de mètres nous ragaillardit un peu.
Au fur et à mesure que nous nous rapprochons du rapide, le temps s’assombrit et nous distinguons déjà les premières averses qui sévissent au loin sans nous atteindre pour le moment. Soudain devant nous, tel un vrai mur se dresse le rapide des five fingers. Nous serrons au maximum à droite puis nous nous arrêtons afin d’aller voir le rapide de dessus avant de rentrer dedans et prendre également quelques photos. J’ai d’ailleurs perdu le cache de mon objectif 18-55mm et remplacé par un couvercle de bocal de confiture vide.
Nous rencontrons sur le chemin un groupe de seize Allemands parti la veille du camping avec un guide pour effectuer juste la traversée du rapide.
Nous les regardons passer afin de choisir les bonnes veines d’eau à emprunter. Ils rament différemment de nous, un de chaque coté, alors que moi je rame toujours du même coté et Adrien également de mon coté. Cependant, pensant que le canoë et plus maniable de leur façon, nous décidons de les imiter.
Au début, tout se passe pour le mieux. La dérive et parfaite, nous restons bien à droite, assez loin pour ne pas nous encastrer dans les rochers mais pas non plus dans le bouillon. Quand soudain, il faut passer à gauche (de la droite du rapide), pour éviter une zone de grosses vagues. Mais avec notre nouvelle façon de ramer nous n’y parvenons pas. La vitesse du courant est telle, qu’avant même d’avoir changé la pagaïe de coté nous nous retrouvons au beau milieu du rapide avec des vagues de plus de 60 cm. Le canoë tape fortement avec la proue mais ne charge pas d’eau heureusement. Nous devons absolument garder l’embarcation dans l’axe de la rivière et ne surtout pas partir en travers. En effet, une seule de ses vagues nous retournerait aisément.
A la sortie du rapide, nous reconnaissons l’énorme erreur que nous avons fait en imitant la technique des Allemands. Nous le jurons mais un peut tard que l’on ne nous y prendrait plus.
Nous traversons bien le deuxième rapide qui est plus bas ( les rinks rapids), puis reprenons nos forces sur une petite île.
Entre les deux rapides, nous avons aperçu un groupe de pêcheurs de saumon. Ceux-ci étaient au moins cinquante sur une portion de rivière de 2-300 mètres de long. Mais en observons de plus près, nous constatons la raison de leur présence. La route passe juste à 100 mètres de la rivière.
Et oui, même au Yukon les pêcheurs sont fainéants et pas plus trappeurs que nous autres Européens.
Pendant notre pause, un groupe de trois embarcations nous dépasse. S’engage alors une course sans merci afin de les rattraper puis les dépasser. En effet, dans moins de 10 km une belle cabane est marquée sur notre carte et nous aimerions y dormir cette nuit afin de nous réchauffer et sécher nos affaires car il pleut à présent. Au moment de les dépasser, apparaissent sur notre gauche nos fameuses cabanes et soulagement, les autres continuent leur route.
Mais en mettant pied à terre, notre déception est grande. De cabane, il ne reste que quatre murs, une forêt pousse à l’intérieur. En revanche, une magnifique place de camp trône au bord de la rivière. A l’aide d’une grande bâche nous fabriquons une sorte d’auvent pour nous protéger de la pluie et faire rayonner la chaleur du feu. En fouillant dans les cabanes, nous avons même la chance de découvrir une table et un banc que nous déménageons sous notre abri. Ensuite nous ramenons du bois en quantité et par chance nous trouvons une forêt de bouleaux. Ce bois brûle plus lentement que l’épinette (le sapin local) tout en dégageant plus de chaleur et de braise.
En revanche, la pêche n’est pas miraculeuse malgré le poste qui semble intéressant.
Où sont les poissons ? Après une dure journée comme aujourd’hui, un bon repas du soir serait fortement appréciable. Soudain, je remarque au loin des sauts de saumons puis même un ou deux à 150-200 mètres du bord. Je tente alors ma chance et monte une très grosse cuillère sur un gros fil. Je commence à pêcher en lancent de toutes mes forces pour que le leurre aille au plus loin. Soudain, mon fil se tend brutalement et manque de m’arracher la canne des mains. Ferrage puissant ! Suit après une bataille puissante où le poisson m’arrache de grosses quantités de fil du moulinet. Au premier saut, je remarque la taille imposante du saumon et après près d’un quart d’heure de bataille une énorme tête arrive en surface. L’attraper pour le mettre sur la berge n’a pas été facile. Mais une fois au sec, je m’écris : « repas du soir assuré pour les trois prochains jours ». En effet, le poisson accuse plus de quatre-vingt centimètres pour un poids de près de quatre kilos. Je suis tout excité car je viens d’attraper le plus gros poisson de ma vie, mais également un rêve. Attraper ce fameux poisson roi, le saumon chinook, tant présent dans les esprits et les meurs des habitants de cette contrée. Lui qui avec le caribou était la principale nourriture des Indiens.
Je lève les filets que je coupe en trois parts. Une que nous mangeons le soir même, une autre pour le lendemain et la troisième que je fume pour la conserver jusqu’au surlendemain. La chair est d’une magnifique couleur ‘’saumonée’’ et révèle un agréable goût de crevette à la cuisson.
Pour la fumaison, j’accroche le filet environ trois mètres au-dessus du feu après avoir pratiqué de profondes entailles et l’avoir abondamment salé. Je le fume trois heures le soir même et autant le lendemain matin en mettant du bois vert sur le feu.
Il aurait été bon que la fumaison se prolonge toute la nuit, mais en raison des ours ce n’est pas prudent.

A la tombée de la nuit, un castor est venu longer la berge. J’ai essayé de le prendre en photo mais avec l’obscurité elles sont un peu floues.

Il aurait été tentant de continuer à pêcher ce soir car le poisson est présent en quantité. Mais attraper ces saumons pour les remettre à l’eau c’est les condamner à une mort certaine sans qu’ils n’aient pus rejoindre leurs zones de fraies. En effet, les chinooks comme toutes les autres espèces de saumons du pacifique ne peuvent plus manger en eau douce. Leur appareil digestif s’atrophie jusqu’à pratiquement disparaître afin de laisser la place aux gonades. C’est alors uniquement sur leurs réserves qu’ils puisent l’énergie nécessaire à leur migration et leur reproduction puis meurent sans exception. C’est alors toute la faune alentour qui profite de cette nourriture abondante et fait même bénéficier la forêt par leurs déjections et dissémination des carcasses. Les ours par exemple ne mangent que les œufs et la peau de leurs proies et abandonnent la chair qui n’est pas assez énergétique. En effet, ils doivent assimiler plus de quarante milles calories par jour soit l’équivalent de 70 pizzas pendant une grande partie de l’été pour pouvoir survivre durant l’hibernation.

9ème jour, Dimanche 5 août :
Au lever du jour, nous sommes réveillés en sursaut par le bruit d’un animal marchant dans l’eau juste à côté de la tente. Notre sang ne fait qu’un tour, main il ne faut surtout pas bouger. Nous prions pour qu’il ne s’agisse pas d’un ours. Nous sortons plus tard alors que tout est redevenu calme. Nous constatons alors des traces de castors qui passent à deux mètres de la tente et qui regagnent la rivière. Nous sommes soulagés.

Pendant le petit déjeuner, je remets à fumer le poisson. J’ai du mal à quitter l’endroit. Hier soir les saumons et ce matin brille un magnifique soleil. Nous partons vers 11 h pour une petite étape de 40 km. Nous profitons du paysage en nous laissant entraîner par le courant en rêvant d’Indiens, de saumons et autres chiens de traîneaux.

Nous arrivons à Minto. Là un bac fait la traversée du Yukon transportant voitures et camion. Un camping est signalé sur notre carte, nous longeons donc le bord pour ne pas le rater. Mais nous n’avons vu la barge amarrée perpendiculairement à la berge qu’au dernier moment et le courant nous entraîne nous fracasser dedans. Nous n’avons rien pu faire pour l’éviter et l’avons percuté de coté en tentant de fuir. Mais heureusement que le canoë était bien chargé ce qui lui a évité de trop se déformer et d’éclater sous le choc. Nous avons également pris beaucoup de gîte au moment du choc à cause du courant, mais par bonheur l’eau n’est pas rentrée. Si ça avait été le cas, nous aurions été entraînés par le courant sous la barge dans une eau à 5°C. Mais heureusement, plus de peur que de mal.

Le camping s’avère très décevant, un tas de poussière entouré de machine servant dans une mine. Ne trouvant pas l’endroit à notre goût, nous descendons la rivière sur quelques centaines de mètre afin de trouver notre camp. Nous découvrons alors un terrain aménagé probablement pour une fête indienne. Nous nous installons sur ce lieu. Nous confectionnons un trépied pour pendre la casserole au-dessus du feu avec des perches entreposées là car nous ne voulons pas couper d’arbre. Pour le bois, nous utilisons des perches pourris ainsi que quelques bûches qui traînent aux alentours.
Je pétris ensuite le pain et des baniques aux cranberry et pépites de chocolat. Malheureusement, le four prend feu lorsque j’enfourne la banique car de l’huile servant à graisser le moule a débordé. Elle est donc carbonisée à l’extérieur avant même d’avoir eu le temps de réagir. En revanche, le pain est très beau.

Une famille d’Américain en camping car vient nous trouver et nous demande la situation du camping. Ne voulant pas les envoyés là bas, mais ne voulant pas avouer que nous campons ici en sauvages, nous leur répondons que nous ne connaissons pas l’existence du camping. Quelque temps plus tard, nous les voyons revenir et s’installer à une centaine de mètres de nous.

Alors que le soir tombe, nous mangeons des patates sautées avec du saumon en papillotes. Soudain, une voiture passe avec au volant un jeune garçon d’environ dix ans sa mère assise sur le siège passager. Je ne sais pas comment il fait pour atteindre les pédales. Drôle de pays !

10ème jour, Lundi 6 août :
Pendant le petit déjeuner, des Whisky Jack nous pillent littéralement. Il s’agit d’un corvidé, ressemblant à une grosse mésange. Prenant le fait avec humour, j’en profite pour réaliser une séance photo. Ils sont comiques à voir perchés sur les cuillères, les bols…
Soudain, Adrien m’appelle, et je découvre notre bac de la veille en train de charger un énorme camion citerne. Les moteurs sont à fonds, la barge semble tremblé de toute part, fume noire et pour le moment descend le courant. Je paris à Adrien qu’elle sera à Dawson avant nous si cela continue. Mais ensuite, petit à petit elle remonte le courant puis plus tard arrive à la berge opposée. A peine le camion parti, que retentit une explosion similaire à un coup de carabine, puis une deuxième. Y avait-il un ours menaçant de l’autre coté ? Mais après plus de vingt détonations, nous pensons qu’il s’agit plutôt d’une séance de ball-trap ou de réglage de lunette.
Pour nous installer la veille, nous avons dû charrier nos affaires dans un ravin de 20 mètres de haut en terre meuble. C’était notre Chiltook Pass à nous. Nous nous sommes alors aidés de cordes pour tirer nos bidons rigides en haut de la pente. Pour la descente, nous employons la même technique mais dans l’autre sens. Pour le reste des affaires, c’est sur le dos que nous les portons à tour de rôle.
Quittons en vitesse cet endroit peu accueillant pour retrouver le wilderness.

En cours de route des points blancs sur une colline rocheuse attirent notre attention. Il s’agit de mouflons de Dall. J’en profite pour les photographier car ils sont relativement proches. Mais le temps se couvre peu à peu et bientôt un fort vent du Nord vient à souffler, ralentissant notre progression et nous refroidissant. Nous ramons de plus bel pour nous réchauffer et les cinquante kilomètres sont vites avalés. Soudain, à deux kilomètres de l’ancien village de Fort Selkirk une forte averse tombe et nous rince joliment. En accostant, nous apercevons un ours noir sur la rive opposée et découvrons un magnifique petit village, parfaitement restauré, avec un petit camping légèrement en aval. Nous apprenons que le camping est gratuit et les Indiens qui s’en occupent reçoivent des subventions du gouvernement.

Après avoir installé le campement et fait un magnifique Apple Pie, nous faisons la connaissance d’une Allemande qui fait du bateau stop depuis le village de Pelly-Crossing pour rejoindre Dawson. C’est un village qui se situe au bord de la Pelly River, une rivière qui se jette dans le Yukon près d’ici. Nous rencontrons également un groupe de quatre Allemands que nous avions déjà vus à Carmack et deux autres d’Aix-la-chapelle. Ils nous disent avoir vu des traces de grizzly autour du camp, ce que nous confirmerons les Indiens en rajoutant que la veille, un touriste qui se promenait a mis en fuite une femelle ours brun et ses petits. Commence alors une réflexion sur les ours afin de savoir ce qu’est un ours brun par rapport à un grizzly. En effet, il existe des ours noirs de couleur brune et des grizzly. Nous apprendrons plus tard que le grizzly est appelé ours brun quand il vit dans les terres.
Ce soir, nous mangeons le filet de saumon que nous avions fumé. Par précaution, bien qu’il ait l’air frais nous le faisons cuire. Il serait regrettable de tomber fortement malade dans ce lieu isolé. Mais en le retournant dans la poêle, il s’échappe pour tomber par terre. Cet incident ne s’est jamais produit dans toute ma vie du cuistot et le jour où cela arrive, il faut qu’une belle plaque de sable se trouve dessous. Par chance, il est tombé coté peau sur le sol. Il n’y a donc pas eu trop de sable dessus.

Tard le soir, alors que le soleil se couche en éclairant le village d’une magnifique couleur d’ambre, trois Tchèques arrivent en canoë. Seulement un des trois parle anglais, ce qui limite le dialogue. Il m’apprend qu’il a attrapé la veille un saumon de près de un mètre dix pour un poids voisin de quinze kilos. Un géant !
Les Indiens semblent observer quelque chose aux jumelles sur une montagne lointaine. Adrien en fait de même et découvre un énorme troupeau de mouflons de Dall.
D’autres Indiens débarquent avec quinze magnifiques saumons qu’ils ont pris au filet pour les faire fumer et sécher. Ils serviront ensuite de nourriture l’hiver venu.
Le coin a l’air poissonneux, nous profiterons donc demain de notre journée de repos en ce lieu magnifique pour pêcher à nouveau.

11ème jour, Mardi 8 août :
Après m’être réveillé, je reste encore couché à ne rien faire. Eh oui, c’est aussi ça la vie de trappeur. Ne rien faire quand on en a l’occasion. Adrien s’est déjà levé depuis un bout de temps quand je me décide enfin à bouger. Il a même fini son petit déjeuner. J’avale le mien en vitesse, puis direction la rivière pour laver le linge que nous comptons mettre une fois arrivés à Dawson. En effet, nous n’avons que deux tenues, une sur nous et une de rechange. Mais après avoir trempé les mains dans la rivière où le froid vous engourdit rapidement, je récupère le seau métallique de la pompe à bras que je mets à chauffer. De plus, il avait également besoin d’un coup de lavage. Une fois le linge étendu, nous partons à la pêche. Pêche à la sauterelle pour Adrien, et cuillère pour moi. J’attrape un petit brochet de 25 cm, que je remets à l’eau et change de taille de leurre afin de tenter ses parents ou un saumon ; mais sans résultat.
La pêche n’étant pas fructueuse, nous visitons le village parfaitement restauré.
Les cabanes datent de 1890 pour les plus vieilles et l’on peut même encore lire le journal qui servait d’isolation à l’époque. Cela prouve bien le climat, très froid l’hiver et sec toute l’année. Certaines cabanes sont de très petites tailles (2m x 3m) et d’autre beaucoup plus grande. On a constaté que la taille varie avec l’âge de l’habitation. Les plus vieilles sont relativement bien construites et de taille imposante, puis celles construites durant la Gold Rush se limitent au strict nécessaire : un toit, une isolation médiocre, un lit, un poêle et un Rocky Chair. En revanche d’autres comprennent plusieurs pièces, des caves profondes et même une entièrement construite en tenons et mortaises. L’isolation entre les logs des bois était constituée de mousse. Pour cela, le rondin supérieur était évidé de manière à parfaitement s’ajuster sur l’inférieur puis on remplissait la cavité réalisée de mousse. Le toit est lui composé par des plaques de tourbe sur lesquelles pousse de l’herbe. Cela permet une étanchéité relative tout en isolant bien.

Le soir venu, les Tchèques nous apprennent qu’ils partent en emmenant l’Allemande avec eux. Nous leurs souhaitons bon courage. En effet, nous avons appris qu’elle ne disposait que de très peu de vivre, pas de matériel de cuisine et même pas d’allumettes ou de briquet. Bref, le vrai parasite. Heureusement que nous sommes pleins à déborder sur notre canoë car je n’aurais pas voulu l’avoir pour cinq jours.

Un habitant local (un blanc qui vit avec les Indiens depuis longues dates) et qui se prétend être chaman nous invite à une soirée de conte indien organisé pour une colonie de passage ce soir à la tombée de la nuit.

Plus tard, pendant que je prépare le pain et un magnifique gâteau aux noix, raisin, pépites de chocolat,… un gros orage se prépare au loin et vient droit sur nous. A peine le temps de ranger le matériel que des trombes d’eau nous tombent dessus. Nous trouvons refuge avec la colonie sous une cabane servant d’abri. Une fois l’orage passé, je constate que le gâteau a pris l’eau mais monte admirablement bien. D’ailleurs, ici tout le monde en bave d’envie.

Le repas du soir n’est (de loin) pas extraordinaire. C’est de la polenta nature pour Adrien et complémenté de raisin sec et de Cheddar pour moi. C’est surprenant comme saveur mais pas mauvais dans ces conditions.

Nous assistons ensuite aux contes du chaman. Ceux-ci, parlent de respect de la nature et des Hommes, de grizzly et autres animaux avec une morale à la fin de tous. En le questionnant plus sur les ours, il nous donne deux trois conseils pour éviter leur rencontre. Notamment, de s’arrêter sur une île pour faire la cuisine puis de continuer notre route sur un ou deux kilomètres. De cette manière nous dit-il « les ours s’intéresseront à l’endroit où vous avez cuisiné et pas à vous ». Mais il nous confie également que les ours ont vingt griffes bien acérées et que lui ne part jamais sans la sienne. Il la sort de sa poche et nous découvrons une douille de carabine de très gros calibre en parfait état de marche.

Sur ses bons conseils et après avoir mangé quelques pop corn avec les enfants, nous allons nous coucher.

12ème jour, Mercredi 9 août :
C’est le jour de mon anniversaire. Au petit déjeuner, Adrien plante trois allumettes dans ma part de gâteau pour symboliser mes vingt et un ans. C’est sympathique comme attention de sa part.
Ce matin, le brouillard se lève sur le fleuve. Avec le soleil qui est déjà haut, cela rend le paysage féerique.
Nous partons joyeusement vers 10 h 30 et progressons bien. Soudain, un de ces sales vents du Nord se lève, forcit et se maintient nous obligeant à ramer puissamment pour pouvoir effectuer les soixante kilomètres de la journée. De plus, il est très froid ce qui nous oblige à nous couvrir et ce n’est pas pratique pour ramer. En début d’après midi, nous faisons halte sur une île de sable pour manger un bout. Là nous découvrons des traces d’ours et d’élan. Nous repartons, et quelques kilomètres plus bas, nous apercevons un magnifique ours noir qui flâne le long de la rivière. Nous l’observons et passons notre chemin. Plus en aval, nous dénichons une magnifique île au milieu du fleuve. Nous accostons pour passer la nuit en pensant être à l’abri des plantigrades. Mais à notre déception, de magnifiques traces d’ours nous prouvent le contraire. Des grandes, des petites, soit toute une famille est passée par-là, soit différentes espèces. Nous hésitons sur la conduite à avoir. Rester ou partir ? En partant, avec un peu de chance nous pouvons trouver mieux, mais nous serons toujours sur le territoire d’un ours. En effet, nous pensons qu’ils sont sur tout le long du fleuve, ils ne font que se suivre. De plus, comme l’heure est avancée nous décidons de rester ici. Avec le vent qui souffle, monter la tente n’a pas été une partie de plaisir surtout que le sol est en sable. Nous fabriquons donc de grandes sardines avec des branches d’arbres que nous enfonçons profondément à l’aide de notre hache. Nous scions ensuite une grande quantité de bois et le fendons en faisant un maximum de bruit pour bien signaler notre présence. Comme la pêche n’est pas fructueuse nous mangeons simplement des pâtes avec de la sauce barbecue et une pomme. Bon lieu de camp ne signifie pas toujours bon coin de pêche. Pour attraper plus de poissons, nous devrions nous arrêter durant la journée pour pêcher à de meilleurs postes.

Pendant le repas, une chose d’apparence brune mais à la forme indescriptible dérive au fil du courant. Quand elle passe à notre hauteur, nous remarquons qu’il s’agit d’un porc-épic qui nage. A voir la façon lente à laquelle il nage nous ne savons pas s’il est en train de se noyer ou si c’est normal. En tout cas, il a dû se mettre à l’eau bien en amont et lorsqu’il disparaît en aval, il n’a toujours pas regagné la berge. Il a peut-être lui aussi rendez-vous à Dawson.

Ce soir, alors qu’Adrien dort déjà, j’écris mon carnet de voyage au coin du feu. Soudain, à la limite de mon champ de vision une tache noire attire mon attention. Et que vois-je ? Un ours noir qui se promène tranquillement le long de la rivière mangeant de-ci de-là quelques baies. Avec le bruit que nous avons fait, je n’y comprends plus rien. Il paraît que ces animaux sont farouches ! Je cours prévenir Adrien pour discuter de la démarche à suivre. Nous décidons de l’observer et de partir s’il semble s’intéresser à notre campement. Comme nous n’avons que peu cuisiné, les odeurs au loin doivent être quasi-inexistantes nous pensons donc que l’ours n’est pas venu à cause de nous. Il ne semble pas s’intéresser à nous, bien que nous parlions fort et bougions sans cesse pour attirer son attention. J’en profite pour faire une série de clichés, puis Adrien retourne se coucher tendit que moi je l’observe encore jusqu’à ce qu’il disparaisse. C’est impressionnant de voir la façon dont il déambule à la manière d’un bulldozer. Les arbres se pousse ou plient mais lui continue son chemin. En allant me coucher, je prends par précaution les deux pagaies et la hache que je place devant la tente. Avec les deux bear spray et le klaxon nous avons peut être de quoi nous défendre.

13ème jour, Jeudi 10 août :
En nous réveillant ce matin le premier constat que nous faisons est que nous sommes bien vivants, donc l’ours ne nous a pas mangés. A voir l’ordre qui règne sur le camp, il semble qu’il ne se soit pas intéressé à nous.
Le second constat est qu’une surprenante lueur rouge éclaire notre tente. Nous sortons et admirons un magnifique arc-en-ciel dans les couleurs d’un lever de soleil. Nous restons à le contempler jusqu’à que la pluie tombe sur nous. Nous regagnons alors notre duvet pour quelque temps. A neuf heures, nous nous levons pour de bon. Mais comme il a plu ce matin Adrien a du mal à allumer le feu. Et c’est uniquement grâce au papier toilette qu’il daigne enfin prendre.

Après un petit déjeuner conséquent, nous partons sous bon vent en espérant que cela dure. Malheureusement, assez vite le vent repasse au Nord. Pas aussi fort que la veille heureusement mais il nous freine considérablement.
Nous ne voyons pas un animal de toute la journée. Nous pensons d’abord nous arrêter à Coffee Creek voir l’homme aux mille grizzlys, mais ne constatant pas signe de vie, nous continuons notre chemin. Nous accostons donc plus bas, dans un ancien village indien nommé CIRKMAN Creek qui a été racheté par une famille yukonaise pour 150 dollars canadiens (100 €). Cette famille vivait un peu plus bas sur le Yukon mais leur île a subit l’assaut des crues et des débâcles et a fini par disparaître. Ils ont donc déménagé dans cet ancien village. Ils vivent quasiment en autarcie car la ville la plus proche (Dawson) est à près de 200 km. Ils profitent donc de la pêche, de la chasse et cultivent un jardin où pousse pommes de terre, choux, betteraves rouges, carottes, salades,… De plus, afin de se procurer un peu d’argent pour pouvoir s’acheter des produits en ville ils cherchent de l’or et ont aménagé un terrain de camping. De plus, ils vendent également des produits tel que du pain, du saumon séché, de la confiture… et font même restaurant.
Le terrain de camping est planté d’un magnifique gazon, tondu à l’anglaise mais malheureusement en pente.
Le cadre est idyllique. Une petite tache d’entretien et de civilisation dans un pays sauvage.

Nous questionnons la gérante du site à propos des ours. Elle nous dit ne pas avoir de problème car ils ont deux gros chiens qui les mettent en fuite. En revanche, il y a quand même une carabine de gros calibre au-dessus de la porte et sur le capot du quad. On ne sait jamais, nous dit-elle et avec les enfants mieux vaut ne pas prendre de risque.

Nous allons ensuite pêcher notre repas du soir. Le poisson est très présent, mais méfiant et de petite taille. En effet, je pense que les habitants pêchent beaucoup. Mais nous arrivons tout de même à attraper nos deux ombres que nous accompagnons de patates sautées.

Après le repas, nous réalisons le tour de la propriété et découvrons un fumoir à poisson et de magnifiques bois d’élan. Demain, nous demanderons l’autorisation de les prendre en photos.

Ce soir, le ciel se couvre méchamment et nous craignons du mauvais temps pour demain.

14ème jour, Vendredi 11 août :
Au lever le ciel est d’un bleu limpide, et comble de chance le vent souffle de nouveau de manière favorable. Perspective d’une belle journée. Nous préparons nos affaires, et c’est à regret que nous quittons cet endroit de rêve.
Avant de partir, nous allons acheter un paquet de cookies et deux sticks de saumon séché maison. En discutant, nous apprenons que l’homme de coffee creek est mort en 1999 … d’un cancer, nous qui l’imaginions mangé par un grizzly. Elle nous apprend également, qu’ils ne vivent plus ici à l’année. Ils déménagent pour passer l’hiver à Dawson.

Une fois à flot, le temps change rapidement. Le vent tourne au Nord et de gros nuages de pluies s’amoncellent. Aujourd’hui, nous dépassons la White River. Il s’agit d’une rivière qui a un débit presque équivalent à celui du Yukon, qui pour nous est déjà monstrueux. Lorsque nous la rencontrons, le fleuve change radicalement. L’eau prend une sale couleur laiteuse et l’on n’a même plus cinq centimètres de visibilité. De plus, maintenant la rivière n’a plus un seul lit mais une multitude de faible profondeur et parsemé de banc de sable difficile à repérer.
Nous rencontrons un groupe de jeunes Allemands partis comme nous de Whitehorse mais pas encore rencontrés. Soit nous les avons rattrapés soit le contraire.

La pluie se met à tomber, nous réalisons donc une pause casse croûte et afin de nous habiller. En revanche en repartant, le vent souffle de nouveau dans le bon sens. Nous sortons tout de suite la voile pour en profiter. Plus tard, nous arrivons en vue d’une île agréable pour un bivouac. Du bois sec en quantité, du sable plat pour l’emplacement de la tente et pas de trace d’ours en vue. Cependant, a en voir les traces, une famille d’élan semble avoir élu domicile ici.

La pêche ce soir ne donne pas fort. Il va falloir apprendre à pêcher dans cette eau. Quel poste, quel types de poissons,… Autant de question auxquelles nous allons devoir répondre les prochains jours.

Téméraire ou inconscient je pars explorer notre île dans l’espoir de voir les élans et m’assurer qu’aucune trace d’ours n’est présente. En effet, une forêt compacte de saule pousse sur plus de la moitié. Je m’arme donc d’une bear spray et entre confiant au milieu des broussailles de plus en plus denses. Soudain, durant l’espace d’une seconde, je ressens autant que j’entends un bruit de sabot sur le sol accompagné d’un énorme bruit de branches agitées. Je serre ma bombe au poivre dans les mains et ne bouge plus en essayant de me faire oublier. Après quelque temps, je fais marche arrière sans quitter la zone des yeux puis rentre au campement sans demander mon reste. Qu’était cette bête, un élan ou un ours ? Pour me rassurer, je pense plutôt à un élan, et le bruit de sabot me conforte dans ma position. En revanche, il n’était pas loin. Peut être quelques mètres à peine.

Au repas ce soir, des pâtes et le saumon séché acheté le matin. Au milieu du repas la pluie se met à tomber et s’intensifie au fil du temps. Adrien court se réfugier sous la tente mais moi je reste pour surveiller la cuisson du pain. A peine celle-ci achevée et moi à l’abri que des trombes d’eau tombent sur nous et durent toute la nuit.

Ce soir, nous avons également eu droit à la visite de notre ours du jour. Pendant le repas, je distingue loin en amont un point noir qui dévale le courant. En plaisantant, je dis à Adrien qu’un ours vient nous rendre visite. Et c’est exactement ce qui se passe. Mais arrivés près du bord il nous voit est part sur une autre île. Dans l’eau il avait l’air petit, car à la manière des hippopotames, il n’y a que le nez, les yeux, et les oreilles qui dépassent. Mais une foi sorti sur la berge opposée, nous sommes effrayés par sa taille imposante. Sûrement un des plus gros rencontrés.

15ème jour, Samedi 12 août :
Il a plu toute la nuit. La tente a bien tenu mais le tapis de sol a perlé car la bâche sous la tente servant à le protéger ressemble ce matin à un marais. Nos matelas autogonflants sont donc mouillés sur une face mais rien de grave. En revanche, le bois est détrempé ce qui rend l’allumage du feu plus que compliqué. A force de dépiler des tas de bois pour trouver de bois sec, nous dénichons quelques branches d’épinettes sèches.
L’épinette, le bois qui est à la base de la vie du trappeur. En effet, même après de très fortes pluies les branches basses situées près du tronc sont toujours sèches. De plus même partiellement sec ce bois brûle très bien et dégage beaucoup de chaleur mais malheureusement pas de braises.
Une fois le feu parti nous réalisons un véritable bûcher afin de réchauffer l’atmosphère et nos habits qui sont humides.

Après le petit déjeuner, nous remballons la tente mouillée puis quittons cet endroit rapidement car une grosse étape nous attend. Plus de soixante cinq kilomètres afin de nous rapprocher au maximum de Dawson car nous arrivons déjà demain. Le temps reste incertain puis les averses et les apparitions de soleil se succèdent.

En cours de route, nous avons eu la surprise de constater la naissance d’une route au bord du fleuve. Nous nous demandions comment elle pouvait être utilisée quand soudain au loin un bruit de moteur attira notre attention. Nous croisons alors une barge qui remonte le fleuve, tous moteurs hurlants avec à son bord un gros truck et deux voitures. Elle parcourt les cinquante kilomètres séparant la route de Dawson en charriant les véhicules. Décidément, il semble que les Canadiens aiment bien prendre le bac. Nous la reverrons passer le soir dans l’autre sens.

Craignant la pluie, le choix de notre lieu de camp est d’abord motivé par la possibilité de construire un abri à l’aide de nos bâches. Après des discussions plus ou moins argumentées, nous retenons une île en sable de grande taille où nous trouvons quantité de bois ainsi qu’un gros tronc avec sa souche pour construire notre abri.

Pendant que je monte l’auvent, Adrien ramène du bois en quantité. Malheureusement, celui-ci est mouillé à cœur car il a été charrié par le fleuve. Nous essayons de le fendre en lamelles fines afin de faciliter sa mise à feu, mais sans grand résultat. Le feu vivote, ne chauffe pas malgré la quantité de bois utilisé et fume atrocement. J’explore alors l’île la hache dans une main et une scie dans l’autre bien décidé à trouver du bois sec, car l’idée d’un repas froid m’exaspère. A force de persévérance, je finis par trouver sur le point culminant de l’île un tronc de bouleau de fort diamètre, à moitié pourri mais sec. Je le débite en bûches que je fends ensuite difficilement. Mais la récompense est à la hauteur de mes efforts, car bientôt flambe un magnifique feu réchauffant corps et âmes.

Pendant le repas règne un silence de monastère. En effet, nous sommes éreintés par notre journée et préoccupés par notre arrivée à Dawson. En nous se livre une terrible bataille entre la joie de retrouver une vie de consommateurs civilisés et le regret d’abandonner cette vie en immersion dans la nature. C’est également le temps du bilan pour chacun. Ce voyage correspondait-il à mes attentes ? Ai-je une nouvelle vision de la nature qui nous entoure ? … Mais également, nous qui rêvions de vivre pleinement avec la nature afin de mieux la comprendre et la protéger serions-nous capables de mener une telle vie ?

Pour ma part, l’idée de continuer jusqu’à la mer de Béring soit encore quatre mois ne fait plus que m’effleurer. En effet, bien que loin de toute habitation le fait de rencontrer tous les jours ou presque quelques personnes faisait disparaître une partie du wilderness que j’imaginais. C’est promis, un jour je reviendrai ici ou ailleurs dans ce Grand Nord pour une expédition au long court, car des noms tels que Mackenzie River, Sckitine River, Yukon river et bien d’autres ne peuvent que faire rêver l’amoureux des grands espaces.

Ce soir après le repas, nous avons entendu le chant des oies puis fini par les apercevoir remontant le cours d’eau. Elles entament déjà leur migration vers le sud. C’est signe que l’été touche à sa fin dans ces pays d’en haut.

Nous finissons par nous endormir, bercés par des rêves simples tels que prendre une douche chaude, retrouver le confort d’un lit,… Tant de petites choses que nous pourrons bientôt retrouver.

16ème jour, Dimanche 13 août :
Au levé nous constatons que les ours ne nous ont toujours pas mangés. Ce n’est donc pas cette fois qu’ils nous dévoreront sur les rives du Yukon.
Bien qu’il pluviote, l’allumage du feu ne prend qu’un instant car nous avons mis le bois à l’abri la veille. Tandis d’Arien se délecte de tartines je me cuis une grosse portion de porridge. Mais j’ai trop mangé, le ventre qui traîne par terre.
Grand rangement, nous devons rendre nos trois récipients étanches ce soir en arrivant. Pourtant malgré les tassages successifs, il faut se rendre à l’évidence que cela ne rentre pas. Nous décidons alors de garder le sac étanche et de voir avec le loueur s’il est possible que nous le ramenions à Whitehorse.
Afin de gagner de la place, Adrien à décider de se débarrasser de son oreiller qui était celui du chien de Ed, un ouvrier d’Icy Waters. De plus, il sent drôlement mauvais, un mélange d’odeur de chien, de fumée et de trappeur faisandé.
Nous quittons ensuite le camp vers midi et demi sous un soleil radieux qui nous accompagnera jusqu’à Dawson. En chemin, nous rencontrons nos premières roues à saumons. Il s’agit de panier tournant autour d’un axe grâce au courant dans lesquels rentrent les saumons remontant la rivière. Ensuite, à l’aide d’un système de goulottes les saumons captures sont amenés dans un vivier. Ils restent vivants dans celui-ci jusqu’à que quelqu’un vienne les chercher.
Juste avant l’entrée de la ville, nous avons la chance d’apercevoir notre dix-septième ours. Il est magnifique, au bord de l’eau, avec le soleil qui l’éclaire et sa magnifique crinière brune. Voulant à tout pris une belle photo, nous lui fonçons droit dessus en canoë. Au début, il fait mine de ne pas nous voir, puis nous regarde venir avant de s’enfuir au plus profond de la forêt. Nous tenons deux magnifiques clichés.
En revanche, nous sommes déçus de ne pas avoir vu d’élan ni de grizzly. En effet, ces deux animaux fascinent par leurs tailles imposantes et leurs histoires. Nous comptons sur notre visite à Kluane National Park pour nous rattraper.

A notre arrivée à Dawson, le soleil se couche pour laisser la place à un ciel de plomb. A l’embouchure de la Klondike river, nous retrouvons avec plaisir la vision d’une eau cristalline. Nous dérivons au rythme du courant sur les quelques centaines de mètres restants en observant la zone de mélange des deux eaux. En effet, elles sont tout d’abord bien distinctes, séparées comme par un film invisible. Puis l’eau boueuse gagne du terrain petit à petit pour finir par remporter la partie quelques centaines de mètres en aval. Tandis que l’eau cristalline se resserre de plus en plus en longeant le bord puis finit par disparaître. Cela ressemble à un mariage en force où l’une fait tout pour éviter l’autre.

Plus que quelques mètres, un dernier coup de pagaie et voilà notre canoë qui touche terre. C’est fini. La fin d’un rêve réel de seize jours et sans doute le début de nombreux autres. Maintenant la vie va devoir reprendre son cours normal.

Une fois le canoë accroché au dock, nous partons en reconnaissance de Dawson. Où est le trading post où nous devons le rendre ? Mais en mettant les pieds dans la ville, nous n’en croyons pas nos yeux. La même ville que celles des Lucky Luke, les routes en terre battue, les trottoirs surélevés en bois et les maisons de bois peintes de multiples couleurs. Seulement à la place des chevaux, des voitures.

En entrant dans le trading post nous restons bouche bée. Le magasin du parfait trappeur, pièges en tous genre, raquettes à neige, peaux de loups et trophées d’élan en décoration et même un magnifique canoë en écorce de bouleau pend au-dessus du comptoir. Nous reviendrons fouiller ici plus tard.
Nous discutons avec le gérant qui est au Yukon tempo. D’ailleurs il ne nous trouve même pas sur son listing des retours de canoë. Nous lui expliquons où se situe notre embarcation et nous demande de ramener les différents matériels ici. Il ne vérifie même pas quand nous les lui rapportons. C’est impressionnant de voir à quel point la confiance règne entre les gens dans ce pays. Il ne semble pas non plus surpris quand nous lui demandons si nous pouvons garder le sac étanche.

Maintenant, commence le voyage de l’enfer. C’est à dire sept cents mètres à parcourir avec toutes nos affaires dont un sac de près de cinquante kilos afin d’amener nos affaires du lieu d’arrivée en canoë au bac qui va au camping. Après deux aller retour chacun, nous nous attaquons à lui. Un devant et un derrière, mais ce n’est pas pratique car le sac est mou et les sangles, seules prise possibles, font vite très mal aux mains. Après plusieurs rotations car la position de devant est la plus confortable nous arrivons enfin devant le bac.
Nous chargeons une première vague d’affaire dedans puis une deuxième. Reste le gros de la troupe. Quand soudain, alors que nous nous apprêtons à ressortir pour chercher le sac restant, le bac lève l’ancre et commence à partir. Nous hurlons qu’il nous reste un sac, le bac re-accoste et nous courons récupérer le sac. L’équipage n’en revient pas de la quantité de bagages que nous avons. Un des hommes sous pèse même notre gros sac en faisant une grosse moue. De l’autre coté du fleuve, nous entassons nos affaires et prenons juste celles qui sont précieuses puis nous allons au camping afin de leur demander s’ils ont une brouette ou une quelconque charrette. Nous repartons avec un chariot à canoë. Une sorte de brouette à deux roues mais sans poignées. Nous entassons nos affaires dessus puis avec un système de cordes nous le tractons. La difficulté de la manœuvre consiste à ce que ni l’avant du chariot ni l’arrière ne touche le sol et que la personne qui tracte ne se fasse pas rattraper par celui-ci. Qui a dit qu’il voulait faire du chien de traîneau ?

Après avoir visité les lieux, alors que nous nous installons sur un emplacement une personne vient nous trouver pour nous dire que le leur est meilleur et qu’ils partent maintenant. Nous déménageons donc et après avoir vidé la tente nous allons scier du bois pour faire chauffer l’eau de la douche.
En effet, Dawson Ouest n’a ni eau courante ni électricité, c’est pourquoi un système de tuyau amène de l’eau de source en tout point du camping. Pour la douche, il faut remplir un réservoir d’eau au-dessus d’un fourneau puis faire un bon feu. C’est la douche à double effet : douche et sauna. La pièce, construite en rondin est parfaitement isolé, donc avec un bon feu on atteint facilement les soixante degrés. Pour la douche, pas de pommeau avec cinq sortes de jets multidirectionnels mais simplement des cruches et grosses bassines que l’on remplit d’eau à sa température puis on se les verse sur la tête. En sortant, nous avons du perdre près de un kilo de crasse et l’on se sent drôlement propre en plus dans des habits frais.
Pendant que je prenais ma douche, Adrien a rencontré Anne Laure, une Dijonnaise qui a travaillé à Dawson tout l’été. Mais n’étant pas encore passé à la douche, il n’a pas cherché à discuter par peur de la faire fuir. De toutes façons, vu la taille de Dawson nous la retrouverons bien un jour pour faire plus ample connaissance.

En revenant du trading post, nous nous sommes également arrêtés au supermarché pour acheter des fruits et un gros T-bone que nous faisons cuire au barbecue. C’est tellement agréable un bon bout de viande après plus de deux semaines de poisson. Ce soir nous allons nous coucher de bonne heure afin de profiter au mieux de la journée de demain. Car maintenant nous partons sur les traces du dernier trappeur.

17ème jour, lundi 14 août :
Ce matin nous sommes restés au lit jusqu’à dix heures passées. Puis après un petit déjeuner dînatoire, nous nous attaquons à la visite de la ville. Première étape, trouver des cabines téléphoniques pour pouvoir prévenir nos familles de notre arrivée à bon port. Avec les neuf heures de décalage horaire et leur emploi du temps chargé ce n’a pas été chose facile.
Nous entrons ensuite dans l’office du tourisme où nous découvrons le personnel habillé en tenu d’époque. Mais à notre grand regret, on nous apprend qu’à Dawson il n’y a pas de restaurant servant des plats locaux. Nous commençons alors, tel le touriste moyen, à flâner dans les boutiques afin de trouver quelques souvenir à ramener.
Le soir de retour au camping nous retrouvons la Française. Anne Laure fait en France une FAC sur le thème ‘’histoire de l’art’’ et a travaillé plus de deux mois cet été à Dawson dans différents hôtels et restaurants. Le premier sujet de discussion qu’elle engage avec nous est sur les manifestions d’étudiants ce printemps par rapport au projet de loi sur les nouveaux emplois pour les jeunes. Pour nous qui avons passé près de trois mois en quasi-autarcie le retour à la réalité est violent. Puis ayant un empoi de temps très chargé, elle nous quitte en nous promettant d’essayer de nous revoir avant notre départ.

Ce soir, après le repas nous allons au casino pour découvrir ce lieu mythique où autrefois a circulé plus d’or que la totalité de celui trouvé ici. Nous sommes à peine installés que nous entendons une voi nous appeler. C’est Anne Laure qui vient nous trouver. Nous passons le reste de la soirée avec elle à raconter des histoires sur la vie dans le Grand Nord et de Dawson en particulier. Après le dernier spectacle de danse, elle nous emmène visiter la ville de nuit et en particulier deux-trois bars où sont exposés des toiles d’artistes actuels représentant la vie ici au début du siècle dernier. Elle nous raccompagne ensuite au bac qui fonctionne toute la nuit et nous apprend que pour le prévenir de notre présence il faut l’avertir avec des signaux émis par une lampe.

18ème jour, Mardi 15 août :
Ce matin au réveil il pleut fort et à voir la couleur du ciel cela ne s’arrangera pas avec les heures. Nous tournons donc dans le camping le matin puis partons à Dawson l’après midi. Nous nettoyons notre linge dans une laverie et visitons la cabane de Jack London et celle de Robert SERVICE pendant que tournent les machines.
Robert SERVICE est le seul poète qui ait vécu et écrit au Yukon. Sa cabane, toute construite en bouleau est magnifique et le soir de temps en temps on peut encore entendre dire dans son jardin les poèmes qu’il a composés.
Jack London le célèbre écrivain de Croc Blanc et d’autres romans sur la vie dans le grand Nord habitait dans une concession orifère cachée. Sa cabane n’a été trouvée que récemment puis démontée et remontée dans la ville de Dawson à des fins touristiques. A coté, se trouve un centre d’explication sur sa vie, ses œuvres, et la découverte de sa concession.

Nous avons également acheté une batée afin de chercher de l’or dans la Klondike river le lendemain.

En rentrant, nous profitons des douches-hammams pour nous réchauffer puis allons nous coucher de bonne heure.

Ce soir nous avons fait la connaissance d’un Allemand qui comme les autres est passionné de grands espaces et de canoë. Nous discutons avec lui de ces précédentes expéditions notamment en Norvège.

19ème jour, Mercredi 16 août :
Aujourd’hui, c’est grand jour de rangement. En effet, demain dans l’avion qui nous ramène à Whitehorse nous n’avons le droit qu’à vingt kilos par personne soit quarante kilos. Nous en avons pour le moment plus de soixante, donc nous effectuons un tri sévère de la nourriture à laisser ici ou à manger plus tard. Afin de gagner du poids je confectionne également des pan-cakes avec plus d’un kilo et demi de farine. Nous avons nourri tout le camping avec, même les écureuils qui en cachaient un peu partout.
L’après midi, nous profitons du soleil pour aller chercher de l’or. C’est impressionnant de voir la quantité de paillettes qui se concentrent dans la batée. En revanche, leur taille est trop petite pour permettre de les prélever.

Ce soir au camping nous rencontrons deux Allemandes d’environs vingt cinq ans. L’une d’elles va parcourir en voiture ou en van toute l’Amérique du Nord de Dawson jusqu’au sud du Mexique. L’autre, une amie l’accompagne pour deux ou trois semaines. Ne sachant pas quoi faire la soirée, nous les emmenons au casino.
Nous revoyons également les Allemands de Aix-la-chapelle qui viennent de Eagle une petite ville à la frontière avec l’Alaska en aval sur le fleuve. Pour remonter le fleuve, ils ont embarqué dans un petit ferry qui fait quotidiennement le voyage.

20ème jour, Jeudi 17 août :
Aujourd’hui, c’est le jour du départ. Notre avion décolle en début d’après midi et nous devons prendre un bus vers midi pour nous emmener à l’aéroport. En arrivant à la ‘’gare routière’’, une petite vitrine où le chauffeur est également guichetier, on nous apprend que le bus ne partira qu’au milieu de l’après midi. Etant inquiet pour notre vol, on nous fait comprendre qu’il n’y a pas de problème. Pourtant sur le ticket, l’avion décolle une demi-heure avant le départ du bus. Nous ne cherchons pas à comprendre et allons nous changer les idées en visitant un musée sur les Indiens. A l’heure prévue du départ du car, nous entrons dans un mini bus qui va ramasser plein de gens devant leur maison. Une fois arrivés à l’aéroport, nous attendons encore près de deux heures avant que l’on n’enregistre nos bagages. A notre grande surprise c’est également le chauffeur du car qui s’en charge. Au moment de payer notre supplément de bagage alors que la transaction de la carte est en cours, une longue coupure de courant se produit. Il me rend ma carte et me dit de revenir plus tard lorsque l’électricité sera rétablit. Pendant ce temps le service des douanes, qui n’a rien à faire à part contrôler la cinquantaine de passagers arrivant tous les jours, joue aux cartes.
Soudain, alors que l’attente commence à ce faire sentir, on entend au loin comme un bruit de moteur. Quelques instants plus tard, un avion en tôles rivetées tel celui de St Exupery atterrit sur la courte piste. En sort une trentaine de personnes puis le pilote accompagné de l’hôtesse de l’air. Il regarde le ciel d’un air soucieux et nous annonce que nous embarquons dans environs une demi-heure après le passage de l’orage. Pendant ce temps il va faire le plein et bricoler dans les moteurs. Quand il revient, il est noir de cambouis et nous apprend que nous pouvons embarquer. Mais ici pas de contrôle au rayon X et les bagages sont chargés à la main dans l’avant de l’avion qui sert de soute. En entrant dans l’avion une personne devant nous fait un signe de croix. Nous n’en comprenons pas la raison mais une fois installés nous constatons que toute la garniture de l’avion tient au scotch. Au milieu du vol le pilote sort même de la cabine, se tape dans les mains et va discuter avec les gens. Il finit par regagner sa place puis nous pose d’une main de maître à Whitehorse. Nous n’avons pas ressenti le moment ou les roues ont touché le sol. Nous récupérons nos bagages puis louons une voiture pour les dix jours à venir quand Adrien se rend compte qu’il a oublié son tube de cannes à pêches sur le tapis roulant. Il part en courant et revient avec son paquet.

Après quelques déboires pour sortir du parking en voiture à boite automatique, nous arrivons à Icy Waters ou nous attends Mike et Ed afin que nous leur racontions notre voyage qu’ils jugeaient dangereux mais intéressant avant notre départ.

Nos sponsors :
L'entreprise SCHMITT qui nous a confectionné nos casseroles à suspendre au-dessus du feu.
L'entreprise Icy Waters qui nous a fourni des sacs plastiques soudables afin d'emballer toute notre nourriture.